Le Sous-tien : monnaie de l’affect 2017-06-12T22:18:39+02:00

SOUS-TIEN : MONNAIE DE L’AFFECT

En 2017, les divers mouvements politiques, de “En Marche !” à  “La France insoumise”, deviennent la forme dominante de rassemblements politiques. Leur fonctionnement, plus libre et décentralisé, encourage la prise d’initiative personnelle et permet une coordination efficace et rapide. Ainsi, ils ne tardent pas à solliciter des influenceurs, de jeunes personnalités telles que des youtubers, pour communiquer sur leurs actions, leurs valeurs, et leur idéologie.

En 2018 se pose la question de la valeur réelle des Likes

L’accès des “influenceurs” à des postes clés marque un tournant dans la politisation des réseaux sociaux. Plus que jamais, les Likes (Facebook), Pouces Bleus (Youtube) etc. sur des plateformes comme Facebook et Youtube, ont un poids non négligeable dans la propagation des idées. Se pose alors la question de leur valeur réelle, et de l’impact qu’ils peuvent avoir dans nos vies. C’est en partant de ce problème que citoyens engagés et designers du collectif Les Troubles-Faits créent ensemble le Sous-tien. Définie comme une “monnaie de l’affect”, elle n’a de valeur que si on la dépense, et chacun reçoit mensuellement un “salaire affectif”, identique pour tous. Elle est d’abord testée sous forme de chéquier dans quelques communes françaises pour mesurer la légitimité de projets proposés. Au fil des mois, son succès est grandissant et de plus en plus de localités (communes, départements voire régions) l’utilisent comme indicateur pour justifier de l’aval des citoyens, et répartir leur budget en fonction…

Un premier succès à Champs-sur-Marne : un projet de construction de maison intergénérationnelle récolte 37 210 Sous-tiens, soit l’aval de 38% de la population. Cela a permis un financement de la région à 40%.


Un autre exemple en Gironde, avec le projet de déménagement d’un Emmaüs vers un local plus grand.

5 septembre 2019, la reconnaissance institutionnelle du sous-tien

Le Parlement vote la loi Nyssen, ministre de la culture sous E. Macron, qui reconnaît juridiquement les banques locales du Sous-tien afin de faciliter leur implantation dans le pays. Six mois plus tard, la monnaie est utilisée à l’échelle nationale, sous forme de cartes de paiement. Soucieuse de préserver sa souveraineté numérique, la France négocie avec les GAFA la fusion des comptes affectifs avec les comptes sociaux. Désormais, ils remplacent les J’aime et autres Retweets, et s’immiscent progressivement dans les plateformes de financements et dons participatifs, comme Ulule, Kiss Kiss Bank Bank, Tipee…

Un projet de ruche solidaire financé par les Sous-tiens sur KissKissBankBank.


Sur Facebook, les Sous-tiens remplacent les J’aime et deviennent une ressource finie.

Le 29 juin 2019, le crédit impôt affection est voté par l’Assemblée Nationale

Un mois plus tard, Emmanuel Macron fait passer par ordonnance une troisième version de la loi Travail, dégradant un peu plus les conditions de travail des salariés et leur protection sociale. Face aux manifestations et aux grèves journalières, l’Assemblée Nationale vote en urgence le Crédit Impôt Affection, récompensant les entreprises qui traitent bien leurs employés, avec comme indicateur de performance les Sous-tiens. Mais celles-ci en profitent pour exiger une “cotisation sympathie” à leurs postulants et employés :

Archive vidéo de Brut, média 100% vidéo, à propos du vote de la loi Nyssen.

Les réactions en opposition ne tardent pas à se faire entendre, le sous-tien change de sens

Les Français manifestent contre ce “racket affectif” orchestré par les entreprises. La vague de contestation fait monter en popularité des symboles et des personnages liés aux mouvements populistes, comme le célèbre personnage de Pepe associé à l’idéologie d’extrême droite. Les Sous-tien venant de perdre leur sens premier, ils sont utilisés pour acheter des “meme”, soutenir des projets absurdes critiquant le constat actuel. C’est ainsi que Henry de Lesquen est en passe de devenir président grâce à une pétition organisée par des trolls, provoquant un tremblement dans les sphères médiatiques et sociales.


Archive du live Youtube des trolls responsables de cette pétition.

Un pas en dehors de la fiction, les débats sur “nos voies/x”

Ce projet a pour but de questionner une société dans laquelle l’industrie de la communication prend de plus en plus de place dans nos vies. La politique comme sujet de discussion sur les plateformes et réseaux sociaux préfigure selon nous l’utilisation des J’aime, Pouces Bleus comme des armes de démocratie. Si ces derniers peuvent être un bon indicateur de l’approbation d’un projet, des actions d’une personne morale ou physique, elles constituent aussi une porte ouverte sur toutes les dérives démagogiques. Aussi, en donnant de l’importance à la voix de la popularité, la figure du troll entre en jeu dans le débat public. La logique des réseaux y instille ses préceptes : disparition de l’histoire, présent permanent et logique court-termiste.

Crédits du projet

ARSHAD Estika

SIN Alex